Domaine de l'Ancienne Mercerie Nathalie et François Caumette
6 rue de l’Egalité
34480 Autignac
Tél : +33 (0) 4 67 90 27 02
Email : ancienne.mercerie@free.fr
Site web : http://www.anciennemercerie.fr
Elle, Nathalie, touche à tous les aspects de la gestion du domaine tout en présidant l’appellation Faugères depuis 2011. Lui, François, se consacre à sa passion de vigneron. Scientifiques de formation, ils n’en écoutent pas moins certaines de leurs intuitions. C’est que pour la vigne, le vin, la vie, rien n’est jamais blanc ou noir et tout ne s’explique pas forcément rationnellement. Leur parcours en témoigne, leurs expériences également. Rencontre avec un vigneron pour qui le vin est une gorgée qui fait toucher du doigt – ou plutôt des papilles ! – toute la complexité du monde : François Caumette.
Pour une gorgée de complexité
Vous avez grandi entre Béziers et Autignac sur l’appellation Faugères, où votre grand-père était viticulteur. Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance au contact de la vigne ?
En réalité, mes deux grands-pères étaient agriculteurs : l’un dans le Gard où il pratiquait la polyculture, dont la viticulture, et l’autre, aveyronnais d’origine et initialement bûcheron, s’est installé comme vigneron sur Autignac à la fin des années 1940. Je passais beaucoup de temps avec eux, à la campagne, et j’en garde de très bons souvenirs : la nature, les vignes, les champs de cerisiers, la chasse, le rythme des saisons... C’était presque pagnolesque !
Du coup, vous souhaitiez devenir vigneron dès le départ ?
Pas vraiment, non. Mes grands-pères me l’avaient déconseillé en réalité, celui d’Autignac surtout. Il ne pensait pas que ça puisse être un métier d’avenir, et en Faugères où les rendements sont naturellement faibles d’autant moins : c’était une époque où l’objectif du Languedoc était encore avant tout volumique ! D’ailleurs, mon grand-père autignacois a commencé par échanger des vignes en Faugères contre d’autres situées en plaine. Des vignerons qui acceptaient, il disait « Ils sont fous ! Ils échangent le jambon contre l’os du jambon ! » (Rires). Il a finalement fait le choix de tout vendre. Pour les vignes de plaine qui produisaient bien, la vente a été rapide. En revanche, personne ne voulait de celles situées dans le Faugérois : il a presque tout fait arracher, mais on a gardé les terres…
Et pourtant, vous avez fini par reprendre les vignes familiales ?
Ce qu’il restait oui ! (Rires). De mon côté, je m’étais quand même orienté vers l’agronomie et l’œnologie : mon histoire m’avait rattrapé. Ensuite, Nathalie et moi tenions à nous établir à la campagne où l’on s’est toujours senti bien. A l’époque, j’étais enseignant au lycée viticole d’Orange, et je venais planter des vignes le week-end avec l’aide de mon père. On a vraiment commencé en 1998, avec 6 hectares, dont on amenait l’intégralité de la récolte à la coopérative. La coopération, c’est une très belle idée, un beau projet collectif. Mais à l’époque, avec si peu de surfaces, c’était complètement inconscient : on ne pouvait pas en vivre ! Et puis on était frustré de voir le potentiel des raisins et de ne pas les amener jusqu’au vin ! On avait fait quelques essais de vinification pour s’amuser d’ailleurs ! Alors en 2000, on s’est lancé.
C’est-à-dire ? Quel était ce potentiel de terroir que vous aviez identifié ?
Le Languedoc est une terre viticole bénie des Dieux ! En Faugères, c’est la conjonction d’un climat aride et de sols de schistes très peu fertiles qui conditionne tout le reste : la faune et la flore – basse et piquante – typiques de la garrigue, les paysages de coteaux intenses marqués par une histoire humaine et qui sont un peu à l’image des vins. Ce sont des vins complexes : ils ont du caractère et de la profondeur, une certaine forme de fraîcheur et de la minéralité ; ils sont dynamiques, parfois incisifs, voire un peu austères. Mais il faut venir sur le territoire pour que leur dégustation prenne sens ! Après, il y a bien sûr beaucoup de diversité dans le panel des vins, puisque chaque vigneron décide de ce qui lui semble refléter le mieux ce lieu unique, ce terroir.
Et qu’est-ce qui est important, au Domaine de l’Ancienne Mercerie, pour créer des vins qui sont un « reflet du terroir » ?
Le plus important, c’est d’abord le travail effectué à la vigne : il permet de garantir l’expression et la préservation du terroir, ainsi qu’un état sanitaire de la récolte optimal. Ensuite on effectue un tri minutieux des raisins. Enfin, on « accompagne » en intervenant le moins possible parce qu’on recherche l’authenticité du jus sans maquillage : pas de correctif – gommes, acidifiants – et pas de boisé trop marqué ! Après, le temps fait son œuvre, et j’ai une confiance totale dans le raisin ! Parfois, il peut être un peu capricieux mais il est important de respecter chaque millésime pour ce qu’il est. D’ailleurs, le « grand millésime » n’est pas forcément explicable. Et au fond, ça me plaît bien !
Votre cuvée La Guerre des Boutons est élaborée sans sulfites ajoutés… Pourquoi seulement cette cuvée ?
L’idéal serait de ne rien ajouter dans aucune cuvée effectivement ! Mais c’est une prise de risque supplémentaire que nous ne pouvons pas nous permettre actuellement. Les rendements faugérois sont faibles et on prend déjà beaucoup de risques à la vigne, notamment en étant en bio.
Ah bon ? Pourquoi l’agriculture biologique représente-t-elle un risque supplémentaire pour les vignerons ?
Les rendements sont plus faibles, parce que la vigne est plus exposée aux maladies et aux nuisibles donc il y a forcément un peu plus de perte. On l’a en partie constaté en 2018 où les conditions climatiques inhabituelles ont permis au mildiou de faire des dégâts incroyables : la plupart du temps davantage en agriculture biologique, même si certains secteurs ont été particulièrement touchés ou épargnés peu importe les pratiques culturales. Et encore on a eu de la chance : on n’a pas été grêlé comme certains ! Mais ça ne peut pas remettre en question notre engagement ! Il faut en prendre son parti et penser l’entreprise différemment : avoir des stocks pour verrouiller la situation et pouvoir passer le cap en cas de coup dur.
L'Ancienne Mercerie, de fil en aiguille
Le nom de Domaine de l’Ancienne Mercerie fait référence à la mercerie que tenait la grand-mère de François, et qui connut un succès notable dans les années 1950. Mais ce n’est pas tout : il permet également de faire allusion au travail minutieux des vignerons qui recherchent la finesse et l’élégance de la dentelle dans leurs vins d’une part, et de redonner toute son importance au sens toucher dans la dégustation d’autre part. Et oui : de la soie, du velours ou du lin, ce n’est pas pareil ! François et Nathalie donnent à leurs cuvées des noms qui ne sont pas sans évoquer le mode de la (haute) couture !
Pourquoi est-il, malgré ces risques, si important pour vous de continuer sur la voie de la bio ?
Chez nous la bio s’est très vite imposé comme une évidence malgré le fait que j’avais appris à faire tout autrement à l’école… En quelques années, nous nous sommes rendus compte que ça n’était pas une folie contrairement à ce que certains pensaient à l’époque, mais que c’était poursuivre dans la voie conventionnelle qui en était une ! Les têtes de mort sur les produits, le déclin des espèces vivantes autour de nous, les résidus de pesticide dans l’eau du robinet, l’efficacité toute relative de ces produits, leur coût, etc. Mais ce n’est qu’en 2006 que nous nous sommes décidés à mettre le label sur nos étiquettes. Et il n’a plus jamais été question de revenir en arrière ! Et quand on fait des vins de terroir, il est bien évident qu’il faut tout mettre en œuvre pour ne pas « flinguer » ce terroir ! Il me semble d’ailleurs que les vins ont gagné en profondeur, en caractère et en complexité…
Vous allez même au-delà du bio, non ?
Comme la plupart des vignerons bio ! Il ne s’agit pas que d’utiliser des produits organiques. Il s’agit de penser « global », continuer à se questionner, réfléchir, s’adapter, expérimenter. Individuellement et collectivement d’ailleurs. Nathalie a d’ailleurs repris la responsabilité du GDON de l’AOP Faugères, et on pratique la confusion sexuelle* depuis 2013 ; on enherbe, on laisse les terres se reposer après arrachage... Pour bien faire, il faudrait avoir plus de moyens matériels. Mais un domaine viticole, c’est comme un gros paquebot, alors on n’a pas toujours la capacité de manœuvrer exactement comme on le souhaiterait à l’instant décisif… Bon, ça ne nous empêche pas d’avoir des projets : expérimenter les cépages résistants, replanter des arbres, avoir des moutons, se passer complètement d’insecticides…
Diriez-vous que vigneron, c’est le plus beau métier du monde ?
Je ne sais pas… Dans la façon dont nous avons décidé de l’exercer, j’ai parfois le sentiment que c’est un anachronisme : la lutte de la bonne chère artisanale locale et culturelle contre les géants de l’agro-industrie à l’heure de la mondialisation… Mais cela n’en est peut-être que plus gratifiant : faire vivre deux familles grâce au domaine, pratiquer l’agriculture biologique, et élaborer de bons vins avec peu de moyens : ce sont de petites pierres à l’édifice d’un monde meilleur. Alors, c’est du même coup une belle aventure ! Et puis boire une gorgée de vin, c’est peut-être un peu goûter à toute la complexité du monde finalement…
INTERVIEW « ÇA C’EST VRAIMENT TOI, FRANÇOIS ! »
Ta devise ? Fais ce que dois, advienne que pourra !
Le vin, c’est plus qu’une boisson, c’est… ? Une gorgée de toute la complexité du monde
Si tu étais un cépage ? Le grenache !
Si tu étais un hashtag ? #honnête
Une autre passion ? Le rugby : j’en ai fait et 2 de mes filles aussi !
© Ancienne mercerie
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