Terra Hominis : interview de Nathalie Caumette
Nathalie Caumette présente l'appellation Faugères et ses Grands Vins de Nature pour Terra Hominis. Elle détaille la démarche collective des vignerons et viticulteurs sur les questions agro-environnementales.
L'interview est à retrouver sur Terra Hominis en cliquant ici ou ci-dessous.
Terra Hominis
Nathalie Caumette est vigneronne au Domaine de l’Ancienne Mercerie et elle est issue d’une famille d’agriculteurs. Elle touche à tous les aspects de la gestion du domaine, avec son mari François, tout en présidant l’appellation Faugères depuis 2011. Malgré des apprentissages académiques fondés sur les techniques visant plutôt la production de gros volumes, ils travaillent en bio depuis 2006 et cherchent par des moyens nombreux et variés à préserver le côté naturel du terroir. Entrevue avec une farouche défenseur du respect et de la protection du terroir.
Pourquoi l'appellation Faugères a le slogan "Grands vins de nature" ?
« La définition officielle se retrouve sur notre site Internet. C’est la suivante : « des vins nés de la passion experte et du respect sincère de vignerons pour leur endroit de nature. » C’est une formulation trouvée en 2018 suite à une étude de marketing. C’est une traduction de ce qui se passe à Faugères, mais nous voulions quelque chose de plus compréhensible par les consommateurs. Notre image de marque, anciennement « Nature Schiste », ne remontait pas une information vitale pour les consommateurs. Le respect du terroir était plus compréhensible, et nous ne voulions pas uniquement communiquer tel que certaines directives l’auraient voulu. Les appellations de petits vignerons doivent se préoccuper de marketing. Mais ce n’est pas uniquement une formule, il y a une réelle volonté depuis 2008 de démontrer la réelle motivation des vignerons de l’AOP de respecter leur terroir. Les conditions de production sont très contraintes, comme par exemple de limiter les rendements avec des tailles courtes, alors que les rendements sont déjà faibles. En revanche, limiter les intrants chimiques était vital car bon nombre de pieds de vigne poussaient « hors sol » boostés uniquement aux produits chimiques. »
Quelles sont les démarches environnementales intégrées dans le cahier des charges de l’AOP ?
« Elles sont nombreuses, enherbement des tournières, limitation des herbicides (en 2008 on était déjà capable de le faire), interdiction du désherbage en plein et limitation des engrais chimiques. Les exploitants ne passent pas en bio uniquement pour des raisons de fongicides (mildiou), mais en 2018, suite à de grosses pluies, les traitements au cuivre n’ont pas été efficaces. En Bio, ce sont majoritairement des produits de surface donc cela implique plus de travail sur les vignes et implique de rentrer souvent sur les terres, ce qui n’est pas toujours possible en fonction des pluies rendant le sol plus instable. Il faut donc plus de matériel, notamment de pulvérisateurs (tracteurs) pour agir rapidement et souvent, et il n’est pas toujours possible d’investir dans une machine supplémentaire juste pour quelques événements exceptionnels. »
Pourquoi l’appellation a intégré ces démarches environnementales communes ?
« Il y a ici, un attachement réellement sincère des gens à la nature. Depuis très longtemps à Faugères, les producteurs ont un souci de l’environnement. Les écologistes de L’euzières sont des collaborateurs des premiers instants. Beaucoup de gens sont passés en bio pour des raisons environnementales mais aussi pour des raisons commerciales. Car cela implique des investissements plus élevés et des rendements inférieurs. C’était tout à fait naturel pour eux de passer en bio. 75 % des surfaces de l’AOP sont donc labellisées en bio. Mais la qualité de l’eau est aussi importante et elle est vite devenue vitale. Ce sont 2000 Ha de vignes qui sont implantés au milieu d’un territoire de 5000 Ha. Pour l’instant, on a un vignoble constitué de petites parcelles dans un contexte très bien préservé. »
Quels sont les projets du syndicat à moyens et longs termes ?
« Travailler sur les questions de terroirs/territoires et continuer à travailler en parallèle les côtés marketing et commercial, car ces exploitations ne sont, en moyenne, pas rentables. On ne peut pas créer un domaine viticole en une génération, donc il faut apprendre à durer en respectant l’ensemble du vignoble mais aussi la nature environnante. Il faut donc réussir à passer de l’échelle de la parcelle à celle du territoire en tenant compte de la qualité du vin, des changements climatiques et à ce que les vignerons puissent vivre de leur vin. Dans ce domaine et depuis les problèmes climatiques récurrents, le stock est à la fois le sauveur et le diable. En effet, la façon dont ils sont gérés implique des réactions très souvent opposées. Quand il y a trop de stock, on pense que les prix vont baisser et que ce ne sera plus rentable, s’il n’y en pas assez, on dit que l’on se fait « prendre la place dans les rayons » et on perdrait donc invariablement des parts de marché qui sont très difficiles à récupérer. La meilleure assurance de survie, ce sont les stocks, car les assureurs ne pourront pas suivre alors que les événements climatiques globaux s’accélèrent. La question est : « Comment on finance les stocks pour mieux résister ? ».
L’AOP Faugères attire-t-elle de jeunes vignerons pour s’installer ? (Vignerons indépendants et cave coopérative)
« Aujourd’hui il ne faut négliger aucune piste. Les domaines qui marchent bien et les gens qui ont bien compris les défis à venir, réussissent leur transmission sans problème. Des jeunes s’installent en Faugères en raison des coûts encore accessibles du foncier. Il y a encore des terres disponibles ce qui est un peu un « El Dorado » en France. Il y a beaucoup de valeur sur les vins et le milieu reste ouvert aux gens passionnés. Il y a de la place pour mettre en œuvre des actions pour travailler sur la qualité du vin et développer de nouveaux produits. »
L'évolution du métier des vignerons depuis 15 ans
« On est passés du vigneron star qui doit faire plaisir aux critiques, aux vignerons entrepreneurs qui doit subir une augmentation drastique de la réglementation, un marché qui a beaucoup changé et des traditions gastronomiques qui ont beaucoup évoluées en plus d’une consommation en baisse. Ce sont donc beaucoup de changements dans la façon dont on gère les exploitations mais aussi comment on fait pousser et on travaille la vigne. »
Propos recueillis par Tristan Geoffroy, journaliste, pour Terra Hominis.