La Grange d’Aïn Cédric Saur
Château Haut-Fabrègues
34480 Cabrerolles
Tél : +33 (0) 4 67 09 35 84
Mobile : +33 (0) 6 12 10 31 02
Email : cedricsaur@hotmail.com
Passionné et engagé, il suit ses convictions intimes – la bio, le vin naturel –, mais il n’en est pas moins conscient de l’extrême complexité à laquelle les vignerons et les agriculteurs sont confrontés de nos jours. Car la vérité - celle de la nature, celle de la science, celle du vin – n’est jamais « une », ou valable en tout lieu en tout temps et pour tout Homme. Alors il refuse le manichéisme diabolisant et les simplifications clivantes. Rencontre avec Cédric Saur, un vigneron pour qui la vérité est donc avant tout « dans l’instant ».
La vérité est… dans l’instant !
Dans les années 1980, vos parents, Jean-Luc et Olga, prennent la suite de votre grand-père André Saur qui avait acquis le Château Haut-Fabrègues une vingtaine d’années plus tôt. En 1998, vous rejoignez à votre tour votre père au domaine… Un destin tout tracé ?
Pas nécessairement. J’ai d’ailleurs commencé par suivre un cursus universitaire en droit. Mais j’aimais le fait de travailler au grand air, au fil des saisons : on entretient une relation un peu atypique à la nature quand on est vigneron. Je suis revenu à Cabrerolles pour ainsi dire « naturellement ». Mais d’une certaine manière, ce métier est toujours forcément une vocation. Sinon on ne le ferait pas !
En 2003, vous décidez de créer un nouveau domaine, le vôtre : La Grange d’Aïn…
C’est qu’il faut bien « tuer le père » ! (Rires) En réalité, j’ai continué bien au contraire à le soutenir au Château Haut-Fabrègues jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2016. Mais je tenais en effet vraiment à voler de mes propres ailes, faire mes propres choix, construire ma propre identité viticole, exercer ma créativité.
Cela a aussi coïncidé avec votre passage à l’agriculture biologique…
Dès 1998, on avait décidé, de façon plutôt intuitive, de renoncer aux insecticides. Or quand on commence à se passer d’un produit efficace, on commence aussi à s’interroger sur les causes des problèmes au lieu de se focaliser sur le seul traitement des symptômes. La bio, à partir de 2003, m’a permis d’aller plus loin dans mon questionnement sur le « Pourquoi ? », et in fine dans la recherche de solutions alternatives.
Pourquoi le fait de vous poser ces questions était-il important pour vous ? Pourquoi ne pas vous contenter des « solutions efficaces » qui existent ?
Parce que le rôle de l’agriculteur consiste aussi à rechercher la durabilité. C’est-à-dire la production en cohérence avec la nature et dans un souci tout aussi naturel de rentabilité qui lui permet de vivre et continuer à prendre soin de ses terres. D’ailleurs la bio en elle-même continue de m’interroger. Positive localement pour la biodiversité, on peut aussi changer d’échelle et se demander si la multiplication des passages en tracteur qu’elle implique ne génère pas des émissions de CO2 dévastatrices. Or à ce jour, on manque d’outils d’évaluation qui permettent de trancher sur ce sujet. Et on connaît encore tellement peu de choses sur la viticulture qu’on peut encore se poser bien des questions et expérimenter. Il faut d’ailleurs près de trente ans à la vigne, comme en cave pour savoir si nos choix d’agriculteurs valident l’expérience. Alors, depuis 2003 et à cet instant précis encore, la bio me semble être la meilleure des voies. En tout cas pour moi personnellement et pour mon projet viticole.
Pourtant vous préférez au départ garder cet engagement pour vous ?
La bio n’avait pas le vent en poupe à l’époque. Historiquement, culturellement, on considérait encore que la présence d’herbe dans les vignes n’était pas « propre » et que les vignerons sur ces vignobles étaient des fainéants. On n’est pas passé à travers les mailles du filet, mais disons que la communication autour de l’engagement n’apportait rien de véritablement positif. Aujourd’hui, c’est différent. Il n’empêche que je refuse en bloc l’agribashing et le fait que l’on divise les agriculteurs en pointant du doigt des bons et des mauvais. Diaboliser les uns et encenser les autres, cela ne peut-être que dévastateur. Humainement, mais aussi philosophiquement : les réalités – agricoles, économiques, environnementales, culturelles – sont trop complexes et diversifiées pour que les solutions soient simples et universelles.
L’enherbement est selon vous une façon de préserver la vie des sols et donc in fine d’élaborer des vins-reflets du terroir de Faugères. Il y a donc une identité toute particulière des vins de l’appellation ?
Il existe en tout cas bel et bien un air de famille qui les réunit. Sous notre climat méditerranéen et sur les schistes faugérois, les rendements sont naturellement contenus, ce qui, du point de vue de la qualité et de l’identité des vins, a toujours été un avantage. Les vins sont longs et persistants en bouche, ni creux ni courts. En revanche, comme dans une famille aussi, il y a aussi beaucoup de diversité. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, toute identité est d’ailleurs mouvante et se construit perpétuellement.
ENHERBEMENT : TOUT EST UNE QUESTION D’EQUILIBRE !
L’enherbement a longtemps eu mauvaise presse dans le monde viticole en raison de la concurrence que l’herbe fait indubitablement à la vigne. Mais selon Cédric, il reste indispensable au maintien de la vie des sols, du microorganisme à la faune terrestre en passant par la flore. Sur les schistes peu fertiles de Faugères, il tient à la préserver et même à l’encourager. Dans les années 2000, il introduit d’ailleurs des moutons dans son vignoble. Car au bout du compte, il cherche à élaborer des vins qui reflètent l’identité de son terroir. Alors, dit-il « tout est une question de gestion de l’équilibre entre
Que voulez-vous-dire ?
L’histoire de Faugères a commencé tôt en Languedoc puisque c’est la première appellation de l’Hérault. Or entre 1982 – instant T à laquelle Faugères a été reconnue AOP – et aujourd’hui – instant T’ –, le contexte, les connaissances scientifiques, le climat, les Hommes et leurs savoir-faire ont évolués : ce qui était vrai alors ne l’est plus forcément aujourd’hui. Et ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera évidemment pas éternellement. Les nouvelles générations doivent apprendre à se connaître ainsi que se reconnaître dans l’appellation pour pouvoir porter haut ses couleurs : il me semble que le projet collectif Grands Vins de Nature contribue d’ailleurs à fédérer et nous faire réfléchir tous ensemble au Faugères d’aujourd’hui et de demain, des vieux de la veille aux petits nouveaux.
En 2005, vous avez commencé à élaborer des vins naturels. C’est là encore une façon de laisser l’identité faugéroise s’exprimer davantage ?
Effectivement. J’essaie de respecter autant que faire se peut les expressions naturelles du raisin sur chaque parcelle. Pas de levurage, ni de sulfitage, pour davantage de complexité et de longueur !
C’est une prise de risque importante, non ?
C’est presque aussi risqué que de marcher sur une corde sans filet de sécurité en effet ! Mais c’est tellement beau quand c’est réussi. Quant aux petits défauts, ils accompagnent les grands vins ils peuvent contribuer au charme de ces vins vivants. En revanche, je ne mets jamais en bouteille un vin qui ne me convient pas. J’aime à penser que la vérité est dans le verre. Mais il y a beaucoup de subjectivité dans tout cela… L’évaluation d’un vin n’est pas seulement liée au palais du dégustateur mais aussi au contexte de dégustation : seul, avec des amis, si on se sent heureux ou non, etc. Alors in fine, la vérité est surtout dans l’instant, et ce qui compte c’est que chacun puisse trouver un vin qui lui plaira. La richesse du monde viticole le permet !
INTERVIEW « ÇA, C’EST VRAIMENT TOI, CEDRIC ! »
Si tu étais un végétal du vignoble ? Un ciste
Une cuvée de confrère à suggérer ? Castel Viel du Domaine des Prés Lasses
Si tu étais un hashtag ? BoisUnCanonSauveUnVigneron !
La couleur de Faugères ? Blanc !
Ce qui te fait enrager ? L’agribashing !
© La Grange d'Aïn
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