Château Laurens Stephan Montariol et Pierre Degroote
Avenue de la Gare
34480 Laurens
Tél : +33 (0) 4 67 37 22 36
Fax : +33 (0) 4 67 37 65 90
Email : annestephan@orange.fr
Depuis l’année de sa création en 2011, le Château Laurens fait rayonner Faugères dans le monde. Stéphan Montariol, Pierre Degroote et son fils Pierre-André y pratiquent une agriculture biologique et confrontent leurs opinions pour trouver ensemble les solutions de demain. Car élaboration de vins de terroir, agroécologie, commerce, communication : on n’est pas trop de trois pour être sur tous ces fronts. Rencontre avec Stéphan, un vigneron qui a les pieds sur terre et l’esprit ouvert.
Faugères voyage
Dans les années 1980, votre père, Bernard Montariol, fait la rencontre de Pierre Degroot. C’est le début d’une collaboration entre vos deux familles…
Mon père était vigneron dans la plaine biterroise. Et il venait de moderniser le Domaine des Fontaines qu’il tenait de sa famille depuis le XIX siècle. De son côté, Pierre avait été piqué très jeune par la passion du vin. C’est un découvreur dans l’âme : de vins, de terroirs, d’idées… Originaire de Belgique, il avait même financé ses études d’œnologie en France en dénichant des pépites qu’il exportait là-bas ! Il a fini par faire sa vie dans le plus grand vignoble du monde : on peut dire que c’est un Belge languedocien ! (Rires) A leur rencontre en 1987, mon père et lui décident de s’associer pour se consacrer à l’export de très grande qualité. Le Domaine des Fontaines, avec son matériel tout neuf, leur a donné l’opportunité de réaliser de très beaux blancs, à l’heure où une large partie du Languedoc, faute d’équipement adapté, n’était pas encore en mesure de le faire.
Et près de trente ans plus tard, vous faites perdurer cette association et décidez d’acquérir des vignes en Faugères ?
Très attachés au fait de garder un lien à la terre, Pierre et mon père ont toujours conservé des vignes. Et ce, même si leur aventure commune a laissé une place toujours grandissante à la vinification puis au négoce destiné à l’export. En Chine notamment où, des années plus tard, nous avons rencontré un groupement de cavistes dynamiques – « Sunpool » - qui souhaitait acquérir un domaine. Nous avons décidé de le faire ensemble, en Faugères : c’est devenu le Château Laurens.
A quel moment avez-vous décidé de rejoindre cette aventure ?
Longue histoire ! (Rires) Jeune, je me destinais à une carrière de vétérinaire, mais les aléas de la vie m’ont conduit vers des études de droit. Au moment de décider si j’allais au-delà de la maîtrise, j’ai ressenti le besoin de me tourner vers mon père et de lui demander s’il avait besoin de moi. J’étais son seul fils, mais je crois que sans cela il n’aurait peut-être jamais osé suggérer que je reste à ses côtés. Ce jour-là, j’en ai presque été étonné : il a dit oui. Alors je suis resté. J’avais grandi au milieu des vignes et j’ai des souvenirs attachés à chacune d’elles. Alors cette histoire, c’est aussi la mienne, celle de ma famille. Il me semblait naturel de m’en occuper à mon tour. En 2001, je me suis remis pour la première fois à la vinification après des années d’absence.
Mais vous aviez appris durant votre enfance ?
Oui. Notamment au contact d’œnologues australiens. Dans les années 1990, beaucoup de techniques et de technologies venait de l’hémisphère sud. Ici, on a toujours voulu utiliser ces savoir-faire pour les mettre au service du terroir, pour le sublimer : tout n’était pas bon à prendre, mais le fait de les comprendre et savoir les adapter permet d’y parvenir. L’ouverture d’esprit est un préalable à toute évolution positive.
Et pourquoi choisir le vignoble de Faugères ?
C’est une petite appellation qui a quelque chose de rare et d’unique en Languedoc : une forte identité et une cohérence intimement liées à l’unicité de ses sols de schistes. L’altitude rend les nuits plus fraîches. Les vignes, profondément enracinées pour survivre, souffrent moins de la chaleur. Enfin, la chaleur restituée par les schistes la nuit permet d’aller vers la maturité tout en douceur. Et le tout donne des vins très équilibrés et aptes à la garde ce qui me semble être primordial. Par ailleurs, la biodiversité y est pour ainsi dire naturelle : l’agriculture n’a pas absorbé la nature ; des îlots de vignes sont venus sculpter ces paysages vallonnés de garrigues et de bois de chênes du territoire. La pratique de la bio m’y semble tout aussi naturelle, d’ailleurs !
L’agriculture biologique, c’était une évidence ?
En Faugères, oui. Et par chance, les vignes du Château Laurens étaient déjà en conversion au moment où nous les avons acquises. Mais en réalité, c’est une question qui m’amène à un véritable débat intérieur. Notre idéal serait de concilier production de vins de grande qualité, qui rendent hommage au terroir, et pérennité de notre domaine : cela passe forcément par la préservation de ce terroir pour les générations futures ! Mais « comment faire exactement ? » : s’il était si facile de concilier enjeux environnementaux et économiques, on ne se poserait plus la question. Le projet de l’appellation Faugères me semble donc particulièrement pertinent car la bio reste à ce jour une solution très imparfaite.
C’est-à-dire ? En quoi l’agriculture biologique est-elle imparfaite ?
Elle a plein d’avantages évidemment pour préserver la biodiversité à tous les niveaux, dans les sols, les cours d’eau, les espaces naturels et les vignes. Mais elle occasionne de grosses pertes de récoltes, notamment en cette période où les effets du changement climatique se font particulièrement sentir. On en a fait les frais en en 2019 lorsque les vignes ont souffert de brûlures. Et en 2018 et 2020, les applications de cuivre pour faire face à la pression du mildiou ont dues être renforcées : l’empreinte carbone en est forcément décuplée, et les teneurs de nos sols en cuivre également. Nous ne serons peut-être pas témoins des dégâts que cela va occasionner, mais mon fils a dix-sept ans et il aimerait déjà devenir vigneron : que fera-t-il si les terres que je lui laisse ne sont plus fertiles ?
Ailleurs, en plaine, pour votre autre domaine vous avez fait le choix de la certification HVE ? Pourquoi ?
Cette certification intègre d’une part des notions de biodiversité et d’autre part elle incite à toujours plus de réductions des traitements tout en laissant au paysan sa liberté de penser plutôt que celle d’appliquer un protocole. Finalement c’est grâce au HVE que nous avons toujours plus recours aux solutions de biocontrôle. Le label idéal ne sera sans doute pas inventé demain : chaque choix de vigneron s’inscrit dans un temps long et il y a encore tant de voies à explorer… Mais quoi qu’il en soit, il me semble que si chacun est raisonnable, rien n’est encore perdu. Le plus important est de rester ouvert et de se remettre en question constamment, je pense.
Qu’est-ce qui vous permet de garder cette ouverture d’esprit et de vous remettre perpétuellement en question ?
C’est le propre du paysan que de se remettre en question ! Mais je forme aussi très régulièrement des apprentis. Ils m’amènent beaucoup de fraîcheur et me tiennent au courant des tendances et nouveautés. Et puis je suis bien obligé de me former moi-même si je ne veux pas me faire « coller » ! (Rires) Jusqu’à présent nous avons fait le choix d’exporter la majorité de notre production, ce qui nous permet de voyager et d’être en contact avec l’ailleurs. Enfin, l’association avec Pierre et son fils Pierre-André est également très enrichissante : on confronte nos opinions sur tous les très nombreux aspects du métier. C’est que de ce petit bout de plante à cette bouteille ouverte dans un grand restaurant, le métier de vigneron est peut-être l’un des seuls qui couvre toute la chaîne de production… C’est passionnant !
INTERVIEW « ça c’est vraiment toi Stéphan ! »
Si tu étais un animal du vignoble ? Un lièvre !
Une cuvée de confrère à conseiller ? Jadis du Domaine Léon Barral
Ta devise ? La viticulture, c’est l’école de la patience !
Le vin, c’est plus qu’une boisson, c’est... ? Un art de vivre !
Un accord Musique et Château Laurens ? Don’t worry, be happy avec un Faugères de caractère !
La couleur de Faugères ? Gris clair ! Comme nos schistes !
Ce qui te laisse sans voix ? L’extrême dualité de l’être humain
Ce qui te met des étoiles dans les yeux ? Ce minuscule instant passé à regarder le dernier rayon de soleil couchant disparaître en buvant un verre de vin avec des amis…
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